Foires de Champagne : Différence entre versions

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Version du 20 janvier 2016 à 22:16

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Foire de Champagne, gravure du XIXe siècle

Les foires de Champagne est le nom donné aux foires se tenant depuis le XIIe siècle sur le domaine des comtes de Champagne. Leur succès historique est principalement le fait de la sécurité particulière dont bénéficiaient les marchands, garantie par les comtes de Champagne eux-mêmes[1]. Elles se tenaient dans les villes de Lagny-sur-Marne (une fois par an), Provins (deux fois par an), Troyes (deux fois par an) et Bar-sur-Aube (une fois par an).

C'est bien l'excellente organisation matérielle (halles, logements, entrepôts), une forte dotation de privilèges et la bonne justice des comtes de Champagne qui expliquent le premier développement des foires [2] qui vont donner naissance, à la fin du XIIe siècle, au cycle des six grandes foires citées ci-dessus, que complètent quelques foires de moindre importance.

Thibaut IV de Blois, comte de Champagne, établit des règlements de foire à travers des chartes (charte de 1137, 1164, 1176, etc.) et parvient à faire respecter son sauf-conduit au-delà des frontières de son comté[3]. Unité de poids, le « marc de Troyes » apparaît en 1147 et sera bientôt adopté à Paris. Le « denier provinois » circule assez loin pour servir de référence jusqu'en Italie. L'once troy reste la référence de masse mondiale pour les métaux précieux.

Origines et développement

Origine des foires de Champagne

L’origine des foires remonte - même s’il en existait à l’époque Mérovingienne, comme la foire de St Denis, à Paris - à la renaissance du commerce, et non à l'époque carolingienne et aux petits marchés locaux. On attribue la fondation des foires de Champagne par le comte Henri le Libéral, qui a gouverné la province de 1152 à 1180[1].

Aux Modèle:S2-, quand le monde commence à sortir de la barbarie, quand les arts naissent, et quand les croisades ont apportés des denrées supplémentaires dans le commerce, les foires se sont multipliées partout en Europe, dans des grandes villes mais aussi dans des localités comme Lagny ou Bar-sur-Aube, en Champagne. C’est seulement à la seconde moitié du Moyen Age que les foires n’ont plus été fondées pour le commerce local, mais pour fournir aux villes des ressources supplémentaires en y attirant du monde[1].

Si les pondéreux (sel des côtes atlantiques, vin et céréales) faisaient déjà l’objet d’un trafic important sur les rivières ou par la mer, seules des marchandises de haute valeur et de faible poids, comme les draps et les épices, étaient acheminées sur de longues distances par voie terrestre. Entre l’Europe du Nord et celle du Sud, la Champagne et la Flandre constituaient les régions où se rencontraient alors les marchands de toutes origines. La France bénéficiait en effet d’une situation géographique privilégiée entre la Flandre et l’Italie, qui étaient les plus riches pays producteurs et commerçants[4].

Organisation : le garde des foires

Les foires de Champagne avaient une administration spéciale, et étaient dirigées par deux maîtres (ou gardes) et un chancelier, qui tenaient sous leurs ordres des lieutenants, des sergents, des notaires, qui maintenaient l'ordre et la justice dans les foires... Des loges, où on apportait des bancs, qu'on éclairait le soir, servaient à recevoir les magistrats et les plaideurs[1].

Dès 1147, le garde des foires qui veille à l'ordre assure aussi bien le respect des usages commerciaux et développe une véritable juridiction. Au XIIIe siècle, les gardes tiennent même le rôle de notaires, donnant la sanction d'autorité comtale aux actes de droit privé relatifs aux transactions et aux créances. Dans la seconde moitié du siècle, ils se dotent eux-mêmes de notaires et de procureurs pour faire face à l'augmentation du volume des affaires, d'autant plus lourde que le même personnel va de foire en foire.

Le conduit royal de 1209

Le « conduit » royal accordé par Philippe Auguste en 1209[5] élargit encore le rayonnement de ces foires de Champagne. Celles-ci forment désormais un ensemble cohérent, qui attire les Italiens aussi bien que les Flamands. Le conduit royal les assure que tout tort qui leur serait causé serait tenu pour lèse-majesté et pris en compte par la justice royale.

De manière générale, le conduit de foire est un sauf-conduit délivré par le seigneur de la foire ou par les seigneurs ou les villes qui se trouvent sur le chemin des commerçants. Ils fournissent une protection pour garantir la traversée de leur territoire.

Chaque sauf-conduit est payant. En échange, le seigneur s’engage à indemniser le marchand si les marchandises sont endommagées en traversant sa seigneurie. Le seigneur ne garantissait pas les dommages causés par les évènements nocturnes ou en cas de guerre.

Organisation des foires

Un cycle équilibré

Scène de foire in Le Chevalier errant de Thomas III de Saluces.

Une foire peut se définir comme une réunion de personnes qui se rencontrent volontairement dans un lieu fixe, à des intervalles périodiques, pour vendre et acheter. Au XIIe siècle, des foires annuelles se tenaient dans une douzaine de villes de Champagne. Quatre d’entre elles organisent alors un cycle permanent de six foires réparties sur l’année, dont l’accès est garanti par le conduit du comte de Champagne.

Les foires de Champagne forment ainsi un cycle équilibré de « foires chaudes » (en été) et « froides » (en hiver) ainsi que des foires principales et secondaires qui procure aux hommes d'affaires une place commerciale presque permanente.

  • 2 au 15 janvier : foire « des Innocents » de Lagny-sur-Marne ;
  • mardi avant la mi-carême au dimanche de la Passion : foire de Bar-sur-Aube ;
  • semaine de la Passion : foire de Sézanne ;
  • mai : foire chaude de « Saint-Quiriace » de Provins ;
  • 24 juin à la mi-juillet : foire « chaude » ou de la Saint-Jean à Troyes ;
  • septembre / octobre : foire froide de « Saint-Ayoul » à Provins ;
  • début novembre à la semaine avant Noël : foire « froide » ou de la « Saint-Remi » à Troyes.

Lier les moments de pèlerinage à des moments de foire permet une fréquentation importante.

Les foires durent de 3 à 7 semaines :

  • la première partie consacrée à la « montre » (exposition des marchandises) ;
  • la deuxième partie consacrée à la vente ;
  • la troisième partie consacrée au règlement ;
  • La dernière partie à la « sortie de foire » (festivités).

Un calendrier très précis a été établi, chaque foire comporte 8 jours d'entrée en franchise, 10 jours de vente du drap et 15 jours de paiement. Environ une semaine avant la véritable fin de la foire, la vente s'arrête pour permettre aux marchands de régler leurs comptes.

Le cycle des foires a créé en Champagne des conditions favorables au commerce toute l’année et a permis le report des dettes d’une foire à l’autre, ce qui était un avantage. Ce système de transfert des créances de foire en foire et l'habitude de régler les dettes par compensation, a entraîné des opérations bancaires de longue durée. En Champagne, le cycle de foires mis en place constituait un marché permanent, permettant d'écouler les productions toute l'année[1].

Garanties des comtes et incitations économiques

Les comtes des Champagne avaient soutenu dès le début le développement des foires, en particulier celles de Troyes, Lagny,  Bar-sur-Aube et Provins.

Les comtes, qui avaient le droit d'organiser les foires, privilégiaient les villes au Sud. Ainsi, entre 1095 et  1136, ils ont progressivement concentrés les foires dans des villes comme Provins, Troyes, au détriment des villes du Nord et de l'Est. Les comtes de Champagne qui suivirent, Thibaud II (†1152) et Henri  I († 1181), ont poursuivis une politique et une tactique intelligente, pour augmenter et concentrer le commerce  dans ces quatre principales villes de foires de Champagne[6].

La politique des comtes de Champagne se caractérisa par une série de privilèges destinés aux marchands étrangers. En effet,  dans la mesure où dans les places économiques européennes, des taxes et péages ont souvent compliqué le voyage et l'activité commerciale des marchands étrangers, de tels privilèges généraux étaient très importants.

La création d'une monnaie solide était ainsi nécessaire pour la montée économique des foires de Champagne, de sorte que Thibaud a soutenu la création du "denier provinois", une pièce de monnaie qui deviendrait très importante.

Une politique de mariage habile avec les comtes des Flandre à partir de 1143 a également assuré le développement des foires de Champagne en foires commerciales "internationales", car cela assurait la présence constante de marchands flamands dans les foires et donc de draps venant de Flandre. Le fils de Thibaud, Henri I, qui avait des relations avec Barberousse, réussit a attirer quant à lui les marchands allemands, et donc une clientèle plus importante dans les foires. Les foires constituaient pour les comtes et le roi, en échange de sa protection et de ses garanties, une source de revenus importante grâce aux droits levés sur les marchandises et aux péages ("droits de travers", "droits de tonlieu", "droit de hallage", etc.)[6].

L’œuvre seigneuriale a eu pour but de hiérarchiser le système et de canaliser sur certains axes l’essentiel du trafic. Les comtes ont donc construit des ponts, ont assuré la sécurité des routes, et ont donné aux voyageurs la garantie d’une bonne justice. C’est ainsi que se créa un axe de communication au niveau régional, autour de quelques villes qui sont devenues de grands centres d’échange. Thibaud II a même partagé la Seine en canaux pour la canaliser et apporter dans les quartiers de Troyes une eau nécessaire aux fabricants.

Pour Michel le mené (« l’économie médiévale »), le succès des foires de Champagne n’est pas dû à leur situation géographique (au nœud de grands axes et de courants commerciaux venant d’Italie et des Pays-Bas), ou à la spécialisation de la région dans le textile. Le succès de ces foires est surtout dû aux volontés des comtes, qui déterminent eux-mêmes les cycles et les foires[1].

Tout seigneur voulant attirer des marchands dans son domaine et dans sa foire devait y assurer la "paix du marché". Les marchands avaient des garanties de la part des comtes (le « droit des foires »), et c’est ce qui explique qu’ils aient privilégiés les foires de Champagne, car elles garantissaient la confiance nécessaire à la bonne marche des affaires.

Les villes de foire bénéficiaient de dérogations au droit commun et de privilèges, appelées « franchises » :

  • suppression en faveur des marchands du « droit de représailles » pour les délits commis ou les dettes contractées en dehors de la foire ;
  • suppression du « droit d’aubaine », qui suspendait les actions judiciaires pendant la paix des foires ;
  • suppression de l’interdiction du Pape de l’usure (prêt à intérêt) ;
  • suppression du droit de marque.

Le droit des foires reconnaissait aux foires une situation privilégiée. Le comte de Champagne (mais aussi le Pape pour les marchands Italiens) assurait aux marchands la sécurité et une justice rapide en cas de litiges. Cette protection a fait des foires champenoises le principal carrefour commercial de l’Europe occidentale jusqu'à la fin du XIIIe siècle[1].

Avènement, prestige et déclin des foires

Un rayonnement international

Les foires de Champagne, à la différence des autres, ont eu un rayonnement international. Elles se sont distinguées des autres par leur caractère de rencontre, non plus entre négociants et consommateurs, mais entre marchands venus de diverses contrées éloignées[2].

Le développement du grand commerce au XIIe siècle doit beaucoup aux foires de Champagne, vraie plaque tournante du commerce européen.

À partir de la première moitié du XIIe siècle, naît un marché fondé sur les spécialités des différents pays européens : les Flamands vendent toiles et draps, les Italiens des soieries et des épices, les Allemands du cuir et des fourrures. Toute la prospérité des pays de la mer du Nord se base sur la vente et la fabrication des draps.

Les échanges entre les foires de Flandre et celles de Champagne étaient devenus de plus en plus actifs : les flamands trouvaient en Champagne un débouché permanent pour leurs draps qui étaient acheminés de là vers le port de Gênes, et importaient les tissus de soie, les orfèvreries et surtout les épices.

Situé au centre des échanges entre la France, la Flandre, l’Allemagne et l’Italie, les foires de Champagne ont vu venir des marchands de toute l’Europe. Des marchands de toutes les régions de France s’y sont rassemblées de même que des marchands de Flandre, d’Italie du Nord, d’Espagne, d'Angleterre, d'Allemagne ou de Suisse[4].

L’internationalité et la venue de marchands étrangers ont déterminé la diversité des marchandises et des produits qui s’échangeaient. Le cuir, les fourrures, la soie et surtout les draps étaient les marchandises les plus échangées sur les foires des Champagne. Une période de 10 jours était consacré à la vente du drap, qui s’arrachait dans toute l'Europe et qui était donc aussi coûteux.

À Provins, les draps venaient de Flandre et des villes de Champagne, qui fabriquaient également des draps. Dans les foires de Champagne on trouvait aussi à acheter, hormis le drap flamand, le drap d’Arras, le drap de Chalons, et le drap gris de Provins. Le drap anglais de Stamford se vendait également dans les foires. Le taffetas, la soie, les toiles comptaient enfin parmi les autres textiles qui ont été vendus par les marchands dans les foires de Champagne.

Dans les foires, une autre période, qui commençait 11 jours après la fin de la foire aux draps était prévue pour le commerce de la fourrure et du cuir. Enfin, dans les foires de Champagne, on trouvait également les marchandises qui se mesuraient et se vendaient d’après leur poids (avoirs-de-poids)[2].

Des épices venues d’Orient (Safran, gingembre, poivre), des métaux (argent), ont également été mesurés et vendus d'après leur poids. Des bijoux, des armes, de la porcelaine et des produits alimentaires (vin, sel du Guérande, miel, légumes, fruits, viande), se trouvaient aussi dans les foires de Champagne.

Les partenaires commerciaux les plus importants des foires de Champagne étaient, grâce à la sécurité des marchands, les flamands et les italiens, qui s’échangeaient les draps et les épices.

Au XIIIe siècle, les relations commerciales étaient développées au maximum : les drapiers flamands ont dans les foires leurs « tentes » où ils se groupent par villes et exposent leurs tissus. Des « clercs de foires » chevauchent sans arrêt entre la Champagne et la Flandre, pour assurer la correspondance entre les marchands[2].

Les foires de Champagne étaient importantes grâce aux relations entre le commerce italien et l’industrie flamande, mais leur rayonnement s’étendait aussi à l’ensemble de l’occident.

L'internationalité des foires des Champagne a été sûrement déterminée par une offre abondante venant de toutes les parties de l'Europe et de l’Orient ainsi que par la présence constante de marchands venant de contrées lointaines Les « maisons » et les habitations des marchands étrangers et les désignations de différents quartiers dans les villes de foire des Champagne témoignent du caractère international des foires, et surtout de la vie des marchands étrangers dans les villes de foire[1].

Des « nations »

Les foires en général sont l'un des lieux où les hommes du Moyen Âge prennent conscience de leur identité nationale et de leur solidarité devant un milieu local. Dès le XIIIe siècle, les marchands italiens constituent en Champagne des « nations » gouvernées par les consuls qui sont autant des représentants du gouvernement de la ville d'origine (p. ex. les Siennois dès 1246) que ceux des marchands fréquentant la foire. Ces nations mettent en place des structures d'aide aux affaires et même une juridiction d'arbitrage interne, reconnue par le roi. À partir de 1278, l'ensemble des consuls italiens en Champagne élit un capitaine, tenu par le gouvernement local pour un interlocuteur commode. Des organisations semblables peuvent être observées sur les foires en Languedoc.

Pour les marchands étrangers qui se retrouvaient dans les foires, les contacts sociaux difficiles avec les indigènes et les barrières linguistiques, pouvaient compliquer largement le commerce. Les marchands étrangers essayaient donc généralement de se construire de propres maisons et établissements dans les villes étrangères, pour assurer leur protection, leur repos et un environnement sûr. Dans les foires des Champagne, des marchands étrangers ont aussi procédés de cette façon. Par exemple, à Troyes où il existait une « maison des Allemands, de Barcelone, de Genève, de Valence… Ces maisons étaient entretenues par les marchands étrangers, qui avaient donc leurs propres auberges et refuges[6].

Des noms de quartiers et des loges spéciales prouvent également la présence constante de marchands étrangers ainsi que du besoin de ceux-ci de se regrouper entre eux : À Provins, les « Lombards » avaient leur loge spéciale, et un quartier de la ville était propre aux Allemands (« Vicus Allemannorum »). À Lagny un quartier de la ville propre aux Anglais s’appelait « Vicus Angliae ». Des marchands de Catalogne et de Tolède avaient également leurs loges spéciales dans les foires des Champagne[6].

Les organisations de marchands

Le commerce des marchandises,  qui s’était étendu dans les villes de foire de Champagne, était surveillé et encadré par les autorités locales, mais aussi par différentes organisations et institutions créés par les marchands eux-mêmes, pour leur permettre de se protéger, de mieux représenter les propres intérêts et  de pouvoir contrôler et régler plus efficacement l’offre et la demande. Au XIIIe siècle, à l’apogée des foires de Champagne, il y avait différentes associations de marchands, organisés à des degrés divers[1].

Une des plus importantes organisations de marchands était la « Hanse des dix-sept villes » (ou Hanse de Londres) fondée autour de 1230, et qui se composait au départ des marchands des grandes villes drapantes de Flandre. Des villes de draps de Champagne comme Reims et Châlons-sur-Marne, mais aussi des lieux de production importants en Picardie ont également fait partie de cette association. Cette organisation n’était pas qu’une « Hanse » au sens classique du terme, c'est-à-dire une union de différentes villes : Il y avait le besoin de ne plus se concurrencer et de coordonner en commun le commerce et la vente du drap dans les foires[6].

Au début du XIIIe siècle, une autre association de marchands importante qui a visé une organisation commerciale commune et efficace aussi bien qu'une représentation d'intérêt commune et la protection des commerçants est apparue. Des marchands italiens de la même ville natale se sont unis dans des fédérations communautaires, qui portent le nom d’universitas, dans les foires. Ces universitas étaient organisées comme des villes, avec leur propre autorité, administration, et juridiction. À leur sommet, un consul représentait les membres de la communauté dans les cas de litiges avec le roi de France[1].

Avec les foires, se  sont donc développées la construction d´auberges pour loger les commerçants venus souvent de loin,  les marchands d'un même pays se retrouvant sous la direction et la protection d'un consul. Des  banquiers siennois se sont ainsi retrouvés à Provins à partir de 1230, où ils se sont regroupés dans une organisation de ce type en 1246. Des associations communautaires de ce type existaient toutefois déjà chez des marchands de Bologne, de Milan, de Florence, de Gênes, de Rome ou de Venise[1].

Les commerçants du Languedoc et de Provence qui se retrouvaient régulièrement dans les foires des Champagne, se sont également unis dans les communautés et se sont organisés d’après le mode d’organisation des associations de marchands italiennes[1].

Un lieu d'information économique au XIIIe siècle

Les foires de Champagne jouent dès les années 1250 le rôle d'une place financière et doivent à ce rôle de survivre comme foires de change jusque dans les années 1340, alors même que les transactions commerciales ont en bonne partie disparu[7].

Les foires marquent la renaissance des opérations bancaires, qui avaient disparues avec Rome. Les transactions commerciales des foires s’accompagnaient nécessairement de relations financières, et les derniers jours de foire, les marchands laissaient place aux « changeurs », installés sur un banc (d'où l'origine du mot "banque").

En effet, vers 1250, les foires de Champagne perdent leur caractère de centres internationaux d’échanges de marchandises, et deviennent au lieu de cela des marchés financiers et de capitaux d'une importance internationale[7].

Ainsi, aux foires de Champagne, il n'y avait pas que le trafic de marchandises qui attirait les marchands : les règlements de compte étaient nombreux, et les foires étaient devenues le "domicile de change de toute l'Europe". Les échanges durables et divers des foires de Champagne, particulièrement le commerce du drap et des textiles, avaient encouragés largement la circulation monétaire sur les foires et avaient contribué à la présence constante des "changeurs" sur les foires. Chaque période de vente a en effet suivi une période de paiement. Les paiements ne s'étendaient pas seulement à l'extinction des dettes contractées à la foire même, mais comprenaient aussi de nombreux paiements à terme d'obligations contractées à des foires précédentes[8].

Les foires de Champagne firent faire un pas décisif au change non manuel : l'exportateur italien aux foires empruntait dans sa ville en monnaie locale pour se procurer les soieries et les épices qu'il allait expédier dans l'une des quatre villes de foires, puis la vente faite (à Provins par exemple), il disposait d'une somme en monnaie provinoise dont il devait opérer le change avant de rembourser le prêteur italien.

Depuis le XIIe siècle, de tels paiements n'ont plus été réglés par de l'argent liquide dans les foires, mais ont été de plus en plus fréquemment traités avec ce que l'on appelle les  « lettres de change ». La lettre de change permettait le règlement d’une créance dans une autre place et dans une autre monnaie. Elle combine trois opérations : transfert de fonds (sans transfert d’espèces) ; crédit (« délai d’usance ») ; change (l’intérêt du crédit peut être dissimulé dans le taux de change)[7].

À l'époque, il ne s'agissait encore que de simples promesses écrites de payer une somme dans un autre lieu que celui où la promesse était consignée. Le signataire s'engageait à payer dans une autre place au remattant ou à son "nuntius", c'est-à-dire à son préposé, ou à faire payer par un "nuntius" le représentant.

Les foires étaient donc devenues des places financières, où les Italiens (Lombards) jouaient un rôle essentiel ; ils contribuaient à établir le cours des changes entre les monnaies de tous les pays européens. Les grandes compagnies de Florence, de Sienne ou de Plaisance, entretenaient en Champagne des représentants qui échangeaient avec leurs maisons des messagers auxquels ils confiaient des contrats de change et informations[8].

La fréquentation des foires de Champagne était si importante que les obligations d'une foire était payables dans n'importe quelle autre foire. Ces obligations n'étaient pas que des dettes commerciales, mais aussi de simples emprunts contractés par des particuliers, par des princes ou des établissements religieux[7].

Avec les lettres de change, un commerçant ne pouvait pas seulement se procurer l'avantage de voyager sans argent liquide. On lui permettait aussi par le change de prendre des crédits pour ses affaires et de les payer plus tard, avec des intérêts. Le nombre des opérations de crédit et de change a augmenté depuis le milieu du XIIIe siècle dans les foires de Champagne, de sorte que la circulation monétaire par virement supplantait bientôt de loin l'échange commercial dans les foires. Les foires des Champagne se sont ainsi changées progressivement en centres de transaction financière internationale, ce qui a contribué largement à la modernisation de la circulation monétaire en Europe[8].

La deuxième moitié du XIIIe siècle peut être considérée comme l'apogée des foires de Champagne, avant leur déclin au début du siècle suivant[1].

Déclin des foires de Champagne

Les foires de Champagne rayonnent au XIIIe siècle sur tout l'Occident.

Vers la fin du XIIIe siècle, des raisons politiques et le développement de nouvelles routes mettent fin à la préséance des foires champenoises. De nouvelles voies relient l'Italie du Nord au pays rhénan et les nouvelles routes maritimes, permettant aux Italiens un accès direct au marché flamand, expliquent ce phénomène[2].

L'importance de Paris comme place financière s'accroît, et en Italie se développent des productions textiles. De manière générale, un changement de tendance se manifeste à la fin du siècle, passant du marchand ambulant au marchand sédentaire, les foires perdent alors leur rôle déterminant[1]. En effet, avec les progrès de la sécurité qui ont assuré l’arrivée des expéditions marchandes à bon port, la vie commerciale est devenue moins errante[7].

Les foires de Champagne régressent donc après 1300 devant la concurrence des foires de Paris (puis de celles de Lyon), trop proches pour justifier le maintien par les grandes compagnies italiennes de deux établissements permanents, l'un dans une grande ville et l'autre dans quatre villes moyennes. L'apparition de la concurrence maritime pour les trafics entre la Flandre et l'Italie dès 1291 et l’ouverture de nouvelles routes à travers les Alpes ont ajouté aux causes cette désaffectation. Aussi faut-il ajouter la crise de la fin du Moyen Âge, à la fois économique et démographique.

Une autre explication majeure du déclin des foires de Champagne est la recrudescence des conflits militaires en Europe en général et dans la région en particulier après les années 1280. Ces problèmes de sécurité favorisent les transports maritimes (d'où le développement des galères de commerce vénitiennes ou de la Ligue Hanséatique) qui, bien que plus lent et moins réguliers, deviennent plus sûrs que les routes terrestres.

L'établissement par le Comte Henri d'une plus grande imposition pesant sur les foires est également une cause évoquée[9].

Enfin, par le mariage de Jeanne de Navarre (comtesse et héritière de Champagne) à Philippe IV « Le Bel » en 1284, le comté de Champagne entre dans le domaine royal ; les priorités politiques changent[10].

Notes et références

Modèle:Références

Annexes

Liens externes

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  2. 2,0, 2,1, 2,2, 2,3 et 2,4 H. Pirenne, Histoire économique de l’occident médiéval, Paris,
  3. Véronique Terrasse, Provins. Une commune du comté de Champagne et de Brie (1152-1355), Éditions L'Harmattan, , p. 29
  4. 4,0 et 4,1 Thomas, Heinz, Beiträge zur Geschichte der Champagne-Messen im 14. Jahrhundert, VSWG 64,
  5. Recueils de la Société Jean Bodin pour l'histoire comparative des institutions, Éditions de la Librairie encyclopédique, 1953 vol. 5, [lire en ligne], p. 117
  6. 6,0, 6,1, 6,2, 6,3 et 6,4 G. Fourquin, Histoire économique et sociale de l’occident médiéval, Paris,
  7. 7,0, 7,1, 7,2, 7,3 et 7,4 Philippe Contamine, L’économie Médiévale, Paris, Armand Colin,
  8. 8,0, 8,1 et 8,2 Lopez R. S., La révolution commerciale dans l’Europe Médiévale, Paris,
  9. Véronique Terrasse, op. cité, p. 72
  10. (en) John H. Munro, « South German silver, European textiles, and Venetian trade with the Levant and Ottoman Empire, c. 1370 to c. 1720 : a non-Mercantilist approach to the balance of payment problem », in Relazione economiche tra Europea e mondo islamico, seccoli XII – XVII, ed. Simonetta Cavaciocchi, Florence, 2006, Le Monnier, p. 905 à 960, [lire en ligne], lire p. 918