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'''''Le Tournoi des Dames''''' est un poème rédigé par [[WP:Hugues III d'Oisy|Hugues III]], Seigneur d’Oisy est issu d’une des plus anciennes et des plus puissantes familles du Cambrésis. qui vécut à la fin du règne de Louis VII de France.


Doué d’un esprit vif et passablement narquois, Hugues d’Oisy s’occupa à rimer des chansons dans lesquelles on remarque la hardiesse et un mordant satirique qui dénote tout l’aplomb que pouvait donner à l’auteur la richesse et la puissance. Il mourut jeune encore en l’année 1190.


[[Hugues III d'Oisy|Hugues III]], Seigneur d’Oisy, issu d’une des plus Anciennes et des plus puissantes familles du Cambrésis et petit-fils du fondateur de l’Antique [[Abbaye de Vaucelles]]. Il était le petit-fils de [[Simon d'Oisy|Simon]], Seigneur d’Oisy et de Crèvecoeur, Châtelain de Cambrai et d’Ade de Meaux.
Deux chansons de Hugues d’Oisy subsistent de nos jours, l’une d’elle est<ref>contenue dans le n°184 du Supplément Français des Manuscrits de la Bibliothèque du Roi et dans le manuscrit 7.222, au folio 51</ref> intitulée ''Li Tornois des Dames, monseigneur Huon d’Oisy''. Cette œuvre est une pièce véritablement curieuse et digne de l’attention des érudits qui veulent étudier l’histoire des mœurs du Moyen Âge aux véritables sources. Ce petit poème, plein d’intérêts, en dit plus sur les usages de la haute noblesse du temps que les plus gros livres. La scène se passe rigoureusement entre les années 1172 et 1188, nous la supposons vers 1180, époque de l’avènement de Philippe Auguste au trône de France.


Hugues d’Oisy vécut à la fin du règne de Louis VII, dit le jeune et au commencement de celui de [[Philippe Auguste]]. Après que son frère cadet eut été tué dans un combat en 1164 contre [[Thierry d’Alsace]], Comte de Flandre, il épousa en première noce Gertrude de Flandre, fille du même Comte, et se trouve mentionné avec elle dans plusieurs Chartes, notamment dans celle de l’[[Abbaye de Marchiennes]] daté de l’an [[1171]]. Il y eut séparation entre ces deux époux et le Châtelain de Cambrai épouse alors en seconde noce Marguerite de Blois, dont il n’eut pas plus d’héritier que de sa première femme. Il n’enfanta que des vers, qui, heureusement, sont venus jusqu’à nous. Doué d’un esprit vif et passablement narquois, Hugues d’Oisy s’occupa à rimer des chansons dans lesquelles on remarque la hardiesse et un mordant satirique qui dénote tout l’aplomb que pouvait donner à l’auteur la richesse et la puissance. Il mourut jeune encore en l’année 1190. il nous reste deux chansons de Hugues d’Oisy : la première (contenue dans le n°184 du Supplément Français des Manuscrits de la Bibliothèque du Roi et dans le manuscrit 7.222, au folio 51) intitulée « Li Tornois des Dames, monseigneur Huon d’Oisy » c’est une pièce véritablement curieuse et digne de l’attention des érudits qui veulent étudier l’histoire des mœurs du moyen-âge aux véritables sources. Ce petit poème, plein d’intérêts, en dit plus sur les usages de la haute noblesse du temps que les plus gros livres. La scène se passe rigoureusement entre les années 1172 et 1188, nous la supposons vers 1180, époque de l’avènement de Philippe Auguste au trône de France.
Il paraît que les Dames, Marguerite d’Oisy, femme de l’auteur, les Comtesses de Champagne, de Crespi, de Clermont, la Senéchale Yolent, la Dame de Coucy, Adélaïde de Nanteuil, Alix d’Aiguillon, Mariseu de Juilly, Alix de Montfort, Isabeau de Marly et une foule d’autre s’étaient réunies au Château de Lagny, devant le Château de Torcy, sur les bords fleuris de la Marne, pour un tournoi dameret, où elles désiraient juger par elle-même, en combattant entre elles, quels étaient les dangers véritables que couraient leurs amis de cœur toutes les fois qu’il rompaient ainsi des lances en leur honneur.
Il paraît que les Dames, Marguerite d’Oisy, femme de l’auteur, les Comtesses de Champagne, de Crespi, de Clermont, la Senéchale Yolent, la Dame de Coucy, Adélaïde de Nanteuil, Alix d’Aiguillon, Mariseu de Juilly, Alix de Montfort, Isabeau de Marly et une foule d’autre s’étaient réunies au Château de Lagny, devant le Château de Torcy, sur les bords fleuris de la Marne, pour un tournoi dameret, où elles désiraient juger par elle-même, en combattant entre elles, quels étaient les dangers véritables que couraient leurs amis de cœur toutes les fois qu’il rompaient ainsi des lances en leur honneur.
 
Cette idée est singulière et n’a pu germer que dans les têtes de ces femmes fortes du douzième siècle. Le Seigneur d’Oisy ne se gêne pas pour nommer les Dames combattantes, pour rappeler leurs cris de familles et énumérer leurs charmes
Cette idée est singulière et n’a pu germer que dans les têtes de ces femmes fortes du douzième siècle. Le Seigneur d’Oisy ne se gêne pas pour nommer les Dames combattantes, pour rappeler leurs cris de familles et énumérer leurs charmes.
Sa chanson est une Chronique « fashionable » du temps, qui nous donne l’état de la haute société à cette époque et ce qui a pu être une indiscrétion il y a 8 siècles sert aujourd’hui de renseignements généalogiques et peut fournir d’irrécusable titre de noblesse aux familles. Assurément, les femmes du Tournoi de Lagny n’avaient pas prévu qu’une fantaisie féminine pourrait un jour servir d’illustration à leur descendant.
 
Nous avons pensé qu’une pièce d’un si haut intérêt méritait bien d’être publié en entier : nous donnons ci-après le texte que nous devons à l’obligeance de Messieurs Le Glay père et fils qui en possédaient une copie. Nous l’avons accompagné de quelques courtes notes qui en appellent de plus étendues. Certes cette pièce du douzième siècle pourrait fournir l’occasion d’une dissertation philosophique digne d’intérêt. Nous ne la donnons aujourd’hui qu’avec les explications indispensables. Dans le manuscrit de la bibliothèque du Roi, une musique notée accompagne le texte de ce petit poème, composé pour être chanté dans les réunions de châteaux. »
Sa chanson est une chronique du temps, qui nous donne l’état de la haute société à cette époque et ce qui a pu être une indiscrétion il y a huit siècles sert aujourd’hui de renseignements généalogiques et peut fournir d’irrécusable titre de noblesse aux familles. Assurément, les femmes du Tournoi de Lagny n’avaient pas prévu qu’une fantaisie féminine pourrait un jour servir d’illustration à leurs descendants.
 
== Le texte ==
{| class="wikitable centre" width="60%"
|+ Me Sire Hues d’Oisi
|-
! scope=col | '''Texte original'''
! scope=col | '''Traduction'''
|-
| width="50%" |
En l’an que chevaliers sont ébaubis
 
Ke d’armes noient ne font si hardi
 
Les Dames tornoier vont à Lagny<ref>Lagny : ancienne petite ville sur la Marne, à sept lieues de Paris et à quatre de Meaux. Elle possédait une très ancienne abbaye, de Saint-Furcy, dont les Comtes de Champagne Thibaut IV de Blois et Thibaud Ier de Navarre furent les bienfaiteurs. Un château féodal décorait ce lieu : c’est sans doute près de son enceinte que se tint le tournoi des Dames, et pendant le règne de Henri II de Champagne, Oncle de Thibaud Ier de Navarre, Trouvère Champenois.</ref>
 
Le tornoiement plévi
 
La Comtesse de Crespi<ref>La Comtesse de Crespy-le-Neuf ici citée pourrait bien être la Comtesse Éléonore, qui, entrant en possession du Château de Crespi, donna son Château de Bouville et le Parc y attenant pour fonder un monastère de filles sous la règle de Cîteaux. Le parc de Bouville, près Crespi en Valgi prit le nom de Parc aux dames, qu’il porte encore : la Comtesse de Crespi y annexa des bois, des prés et d’autres dépendances. Le Pape approuva le nouveau monastère par une bulle de 1210.</ref>
 
Et ma Dame de Couci<ref>Arthur Dinaux dit que la Dame de Couci dont il est ici parlé serait la femme d’Enguerrand III de Coucy, surnommé le Grand. Or Enguerrand de Coucy s’est marié en premières noces en 1201 avec Beatrix de Vignory, puis en 1205 avec Mahaut de Saxe et après 1210 avec Marie de Montmirail. Le Tournoi des Dames ayant lieu vers 1180, Enguerrand III était certes trop jeune. Il doit s’agir de son père Raoul de Coucy, qui avait épousé Alix de France</ref>
 
Dient que savoir voudront
 
Quel li coups sont
 
Que pour eles font
 
Lour ami.
 
 
Les dames par tout le mont
 
Pour chassier font
 
Quel ez mènront
 
Chascune od li
 
Quant es prez venuez sont
 
Armer se font
 
Assambler vont
 
Devant Torchi<ref>Torcy, terre de la Brie, voisine de Lagny, sur un coteau près de la Marne et où il existait un joli et ancien château. Cette terre est tombée dans la fameuse maison de Jean-Baptiste Colbert.</ref>
 
 
Yolenz de Cailli vo<ref>Cailly, on trouve plusieurs familles normandes de ce nom. Une terre de Cailly était à quatre lieues de Rouen, sur la rivière du même nom. Une autre, placée sur l’Eure, n’était qu’à trois lieues de Louviers.</ref>
 
Vait premiers assambler
 
Marguerite d’Oisi<ref>Marguerite d’Oisy, dont il est ici question, est la seconde femme de Hugues III d'Oisy, auteur de cette chanson. Elle sortait de la Maison de Blois, et se trouvait veuve d’Othon, Comte de Bourgogne, Palatin. Après la mort de son second mari Hugues III, survenue en 1190, suivant les Chroniques d’Anchin et de saint Aubert, Marguerite de Blois épousa en troisièmes noces, Gauthier, Seigneur d’Avesnes. Il ne faut pas s’étonner si une jeune femme forte comme Marguerite, qui tint tête à trois puissants maris, figure aussi bien dans un tournoi.</ref>
 
Muet à li pour jouter.
 
Amisse au corz hardi<ref>Amisse, Catherine, Isabelle, Yde, Yolande, et d’autres dont il est parlé dans la chanson sont les prénoms de grandes Dames sans doute fort à la mode vers 1180, et il suffisait de nommer par leur nom de baptême pour que tout le monde aristocratique d’alors sut de qui il était question ; il nous serait fort difficile aujourd’hui de démêler à quelles nobles familles elles appartenaient.</ref>
 
Li vait son fraim haper
 
 
Quand Marguerite se voit rauser
 
Cambrai ! crie, son frein prend à tirer<ref>Marguerite d’Oisy a sans doute pris « Cambrai » pour Cri, parce que son époux était Châtelain de Cambrai.</ref>
 
Re deffendre le veist et meller.
 
Quand Catherine au viz cler
 
 
Se commence à desrouter
 
El passe avant au crier
 
Ri donc la veist aler
 
Resnes tirer
 
Et coupz donner
 
Et départir
 
Et grosses lances quasser
 
 
Et ferz sonner
 
Et detentir
 
Des hiaumes le capeler
 
Faire effondrer
 
Par grant aïr
 
 
Devers la coue vint
 
Une rescousse grant
 
Ysabel qui férir
 
Lez vait de maintenant.
 
La senescaussesse aussi
 
Nez vait mie épargnant.
 
Une route vint de là tout errant
 
Adeluye, ri Nantuel vait criant<ref>La terre antique de Nanteuil, à quatre lieues de Senlis, sur la route de Paris à Soissons, était jadis dans la Maison des Comtes de Ponthieu. À l’époque dont il est ici question, les Seigneurs de Nanteuil devinrent Seigneurs du Donjon de Crepy.</ref>
 
Avec la senescaussesse Yolent<ref>On ne sait s’il est question ici de la femme du Sénéchal de France ou de celle du Sénéchal de Champagne, qui pouvaient aussi se trouver à cette réunion. À cette époque, la charge de Sénéchal de France appartenait à Thibaut V de Blois dit le Bon, Comte de Blois, mort en 1191 au cours du siège de Saint-Jean-d’Acre en Israël, et fut éteinte dans sa personne.</ref>
 
Aeliz en vait devant.
 
De Trie aiguillon criant<ref>Aiguillon, Maison ancienne.</ref>
 
Moult vait bien les rens cerchant
 
La roine sour ferrant<ref>En mettant l’époque du Tournoi des Dames de Lagny en 1180, à l'avènement de Philippe Auguste à la Couronne, la Reine( s’il n’est pas seulement question de la reine de la fête) serait Isabelle de Hainaut, fille de Baudoin, Comte du Hainaut.</ref>
 
Vint par devant
 
Ferue là.
 
D’une mache en l’aubere blanc
 
Sans contremant
 
Emmi le camp
 
Potée là.
 
 
Jehanne la Gaaigne vint atignant
 
Re maint serjant
 
Y amena
 
Isabiauz tout errant
 
Leur aelez descent
 
De monciaux la vaillant
 
Ri la fiance en prent
 
Leur un ronci trotant
 
L’enmena erraument
 
 
La Comtesse de Campaigne<ref>Femme de Henri II de Champagne : elle se nommait Ermentrude de Namur.</ref>
 
Vint sur un cheval d’Espaigne
 
Ne fit pas longue bergaigne
 
A lor gent
 
 
Tous les encontre et atent
 
Mout si combat fierement
 
Seur li furent plus de cent.
 
Aeliz lez mainz li tent
 
Au fraim la prent
 
Od sa compaigne
 
Aeliz, montfort criant<ref>Un Amaury de Montfort était Connétable de France dans ces temps reculés.</ref>
 
Qui la descent
 
Comment qu’il praigne
 
Et li ostage Yolent
 
Mout boinement
 
Re de noient
 
Ne si desdaigne
 
Ele n’est pas d’Alemaigne
 
Ysabiaut que savons
 
 
Vint poignant en la plaigne
 
Ez lour fiert a bandon
 
Sovent crie l’ensaigne
 
Alom lour chastillon<ref>Au Tournoi, les hérauts et poursuivant d’armes criaient le cri de leur maître, pour les faire reconnaître, et à ces cris, ils ajoutaient souvent des éloges.</ref>
 
Une route vint de la alarron
 
Amisse à la flourclose vait environ
 
Et sa lance pécoïa son blazon
 
Lille crie  « or lom alom »<ref>Le cri de Lille, avec les mots de louange qui l’accompagnent appartenait au Châtelain de Lille, or celui qui était revêtu de cette dignité de l’an 1177 à 1200, fut Jean, qui épousa Mahaut de Béthune, Dame de Pontruard, Meulebecke et blaringhem.</ref>
 
Tost à fraim eles s’en vont.
 
 
La Comtesse de Clermont<ref>Il y a, tant en France qu'aux Pays-Bas, environ 50 familles qui portent le nom de Clermont. La Dame que l’on cite ici, vu son titre de Comtesse, peu commun vers 1180, ne peut être que l’épouse du Comte Raoul de Clermont, mort Connétable de France en 1191.</ref>
 
A ferrue d’un tronçon
 
Emmi le front
 
Qui en un roïon
 
Couchiée l’a
 
 
Clémence fiert d’un baston
 
Et sans raison
 
« Biairsart » cria
 
Toutes desconfites sont
 
Fuiant s’en vont
 
Nule d’el mont
 
Ni demora
 
Quand bouloigne rescria
 
Yde au cors houvré<ref>Les familles qui criaient Boulogne sont celles de Trie, Pequeny, Dolhaim, Saulieu et Miraumont. La belle Yde au corps houvré était certainement de la dernière.</ref>
 
Premiere recouvra
 
Au trepas d’un fossé
 
Comtesse au fraim prise a
 
Dex Aïe ! a crié
 
Mout fut grant li feries qui fut là
 
 
Ysabiaus point de Marli qui cria<ref>On trouve un fils puiné de Mathieu Ier de Montmorency,  Connétable de France, vers 1180, qui portait le titre de sire de Marly. Ce dernier se nommait lui aussi Mathieu de Montmorency († 27 août 1204, Constantinople) et était père de Bouchard de Marly. </ref>
 
Dex Aïe ! maisnt coupz prie et donna ;
 
Une troupe vint delà,
 
Gertrus qui « Merlou » cria<ref>Ce Merlon ne serait-il pas Merlieux, près de Laon.</ref>
 
Parmi les gues les chaca
 
 
Agnes de tricese va<ref>Il est ici question d’une dame de la Maison de Tricot, vieux bourg du Département de l’Oise et de l’Arrondissement de Clermont dont il est éloigné de cinq lieues.</ref>
 
Qui maint coup parmi les bras
 
Le jour senti,
 
Maint lances pécoïa
 
Maint fraim tira
 
Maint coups donna
 
Maint en féri
 
 
Beatris cria « Poissy »<ref>Poissy, petite et ancienne ville à l’extrémité de la forêt de Saint-Germain, où les premiers Rois de France avaient un château et sans doute un Châtelain qui avait Poissy pour cri. Saint Louis naquit ou fut au moins baptisé à Poissy.</ref>
 
Il n’e a meilleur de li
 
Et joie point d’arsi (23)
 
Et muet contre mariseu de julli
 
Et fait là à terre verser
 
 
Puis commence seur li
 
Saint Denise à crier
 
Tresout li panet i vint en couroi
 
Aelis de roileiz au corz fai (24)
 
Climence point devant li de Bruai (25)
 
Sezile vint tout à droit
 
De compaigne a desroi
 
Et fiert ysabel d’Ausnai (26)
 
Qu’emmi les lor l’abattoit (26)
 
Seur li venoit
 
A grant exploit
 
Bele Aelis
 
Qui « Garlandon » rescrioit (27)
 
Agnes venoit
 
Criant Paris (28)
 
 
Ade de parcain les voit (29)
 
« Biaumont » crioit
 
Tost lor aloit
 
Emmi les vis
 
Agnes i vi
 
Venir tost de Cresson Essart
 
Ysabiaus point aussi
 
Quist de vile-gaignart (31)
 
Li tornois départi
 
Pour ce que trop fut tard.
 
 
Poi ai dit, si m’en repent, et conté
 
Au demain tornoiement ont crié.
 
De la proesce Yolent vous direi :
 
Tost à l’elme fermé
 
Sor morel la briève
 
Prist l’escu eskequere
 
Puceles fait arouter
 
Parmi les tres lances, porter
 
Lor a fait cent
 
N’a pas trives demandé
 
Sans arester
 
Vait por jouster
 
Droit à la gent.
 
Entorli ont fichulé et viélé
 
Si r’esgardé
 
L’ontdurement
 
Vencu a et oultré
 
Tout de ca et de là
 
Dessous Torci el pré
 
Son pavillon dreca
 
Illuce fut d’a donné
 
La nuit quanques ele a
 
| width="50%" |
En l’an que les chevaliers sont déconcertés
 
Qu’il ne font rien de si hardi en armes
 
Les dames vont tournoyer à Lagny
 
Le tournoi promis
 
La Comtesse de Crespi
 
Et la dame de Coucy
 
Disent qu’elle voudraient savoir
 
Ce que sont les coups
 
Que se donne pour elles
 
Leur ami
 
 
Les dames vont par mont
 
Pour solliciter
 
Qui elles mèneront
 
Chacune avec elles
 
Quand elles seront prêtes à venir
 
Elles se font armer
 
Se rassemblent
 
devant Torcy
 
 
Yolande de Cailly
 
Va en première combattre
 
Marguerite d’Oisy
 
Se porte à elle pour jouter.
 
Amisse au corps hardi
 
Va lui saisir sa bride
 
 
Quand Marguerite se voit poursuivie
 
Elle crie Cambrai ! et tourne bride
 
Se défend de face et se jette dans la mêlée
 
Quand Catherine au visage frais
 
 
Commence à se dérouter
 
Et passe avant en criant
 
Va donc au combat
 
Tire les rênes
 
Donne des coups
 
Et distribue
 
Et casse de grosses lances
 
 
Et frappe en sonnant
 
Et retentissent
 
Les Heaumes au chef
 
Bosselé
 
Avec grande colère
 
 
Derrière la queue vint
 
Un grand fracas
 
C’est Isabelle qui frappe
 
Et arrive maintenant
 
La Sénéchale aussi
 
Ne va pas en épargnant.
 
Une troupe vint de là soudain
 
Elise de Nanteuil va en criant
 
Avec la Sénéchale Yolande
 
Elise va devant
 
Criant De Trie Aiguillon
 
Va souvent chercher les rênes
 
La reine sur Ferrant
 
Vint par devant
 
En frappant
 
D’une hache sur le haubert blanc
 
Sans retard
 
Au milieu du camp
 
Se trouva portée
 
 
Jeanne la Gaigne vint avec irritation
 
Et maint sergent
 
Y amena
 
Isabelle toute prompte
 
Tombe sur elles
 
De Mouciaux  la voyant
 
En prend confiance
 
Sur un petit cheval trottant
 
L’emmena vivement
 
 
La Comtesse de Champagne
 
Vint sur un cheval d’Espagne
 
Et ne fit pas attendre
 
Ses gens
 
 
Elle les rencontre tous et attend
 
Tant de combat fièrement
 
Sur elle ils furent plus de cent
 
Elise lui tend les mains
 
Et lui prend la bride
 
Avec sa compagne
 
Elise qui crie Montfort
 
Elle la descend
 
Bien qu’elle se défende
 
Et de même la troupe de Yolande
 
Tout bonnement
 
Qu’un rien
 
Ne la mettent en colère
 
Elle n’est pas d’Allemagne
 
Isabelle que nous connaissons
 
 
Vient poignant sur la plaine
 
Et les frappe avec impétuosité
 
Souvent elle crie l’enseigne
 
Louange à Châtillon
 
Une troupe vint en retrait
 
Amisse à la sourdine vient aux environs
 
Et sa lance frappa dans l’écu
 
Lille criait-elle « ou leur louange »
 
À toutes brides, elles s’en vont
 
 
La Comtesse de Clermont
 
A frappé avec un tronçon
 
Au milieu du front
 
Qui dans un fossé
 
L’a couchée
 
 
Clémence frappe avec un bâton
 
Et sans raison
 
Crie Biairsart
 
Elles sont toutes défaites
 
Et s’en vont en fuyant
 
Aucune du mont
 
N’y resta
 
Quand Boulogne récria
 
Yde au corps paré
 
La première recouvra
 
Au passage d’un fossé
 
La Comtesse à la bride prise
 
A crié Dieu aide !
 
Tant fut grande la blessure qu’elle reçut
 
 
Isabelle pousse de Marly qui cria
 
Dieu Aide ! elle reçut et donna maint coups
 
Une troupe vint de là
 
Gertrude, qui cria « Merlou »
 
Les chassa parmi les gués
 
 
Agnès de tricese va
 
Après avoir maint coups dans les bras
 
Tout le jour senti
 
Briser maintes lances
 
Tirer maintes brides
 
Maints coups donner
 
Beaucoup frapper
 
 
Béatrice cria « Poissy »
 
Il n’y en a pas de meilleure qu’elle
 
Ne joignit pas d’Erquy
 
Se porte contre  Maryse de Jully
 
Et la fait tomber à terre
 
 
Puis commence sur elle
 
À crier Saint Denis !
 
Tous les blessés y vinrent en courant
 
Elise de Roilet au corps paré
 
Clémence  pique devant celle de Bruai
 
Cécile vint tout droit
 
Sur sa compagne en désarroi
 
Et frappe Isabelle d’Aunay 
 
Qu’au milieu des leurs elle abattit
 
Sur elle vient
 
À grand exploit
 
La belle Élise
 
Qui crie « Garlandon » !
 
Agnès vient
 
En criant Paris
 
 
Ade de Parcain les voit
 
Crie « Biaumont »
 
Tous y allèrent
 
Au milieu des visières
 
Agnès vit
 
Venir tous ceux de Cresson Essart
 
Isabelle arrive aussi
 
Sorti de vile-Gagnart
 
Le tournoi fut dispersé
 
Avant que cela fut trop tard
 
 
J’ai dit peu, je m’en repens, et conté
 
Au lendemain du tournoi ont crié
 
De la prouesse de Yolande je vous dirai :
 
Toutes à casques fermés
 
Sur Morel la petite
 
Prit l’écu triangulaire
 
La pucelle fait conduire
 
Parmi les trois lances porter
 
Leur a fait cent
 
Sans demander de trêves
 
Sans arrêter
 
Va pour jouter
 
Droit sur les gens
 
Tout autour d’elle ont joué de la flûte et de la vielle
 
Elle est escortée
 
Elle l’ont durement
 
Vaincu et mis hors combat
 
Tout de ça et de là
 
Sous Torcy dans un pré
 
Elle dressa son pavillon
 
Là fut donné des plaisirs
 
Tant que la nuit dura
 
|}
 
 
=== Références ===
<references />
 
{{DEFAULTSORT:Tournoi des dames}}
[[Catégorie:Poèmes]]

Dernière version du 1 novembre 2020 à 11:28

Le Tournoi des Dames est un poème rédigé par Hugues III, Seigneur d’Oisy est issu d’une des plus anciennes et des plus puissantes familles du Cambrésis. qui vécut à la fin du règne de Louis VII de France.

Doué d’un esprit vif et passablement narquois, Hugues d’Oisy s’occupa à rimer des chansons dans lesquelles on remarque la hardiesse et un mordant satirique qui dénote tout l’aplomb que pouvait donner à l’auteur la richesse et la puissance. Il mourut jeune encore en l’année 1190.

Deux chansons de Hugues d’Oisy subsistent de nos jours, l’une d’elle est[1] intitulée Li Tornois des Dames, monseigneur Huon d’Oisy. Cette œuvre est une pièce véritablement curieuse et digne de l’attention des érudits qui veulent étudier l’histoire des mœurs du Moyen Âge aux véritables sources. Ce petit poème, plein d’intérêts, en dit plus sur les usages de la haute noblesse du temps que les plus gros livres. La scène se passe rigoureusement entre les années 1172 et 1188, nous la supposons vers 1180, époque de l’avènement de Philippe Auguste au trône de France.

Il paraît que les Dames, Marguerite d’Oisy, femme de l’auteur, les Comtesses de Champagne, de Crespi, de Clermont, la Senéchale Yolent, la Dame de Coucy, Adélaïde de Nanteuil, Alix d’Aiguillon, Mariseu de Juilly, Alix de Montfort, Isabeau de Marly et une foule d’autre s’étaient réunies au Château de Lagny, devant le Château de Torcy, sur les bords fleuris de la Marne, pour un tournoi dameret, où elles désiraient juger par elle-même, en combattant entre elles, quels étaient les dangers véritables que couraient leurs amis de cœur toutes les fois qu’il rompaient ainsi des lances en leur honneur.

Cette idée est singulière et n’a pu germer que dans les têtes de ces femmes fortes du douzième siècle. Le Seigneur d’Oisy ne se gêne pas pour nommer les Dames combattantes, pour rappeler leurs cris de familles et énumérer leurs charmes.

Sa chanson est une chronique du temps, qui nous donne l’état de la haute société à cette époque et ce qui a pu être une indiscrétion il y a huit siècles sert aujourd’hui de renseignements généalogiques et peut fournir d’irrécusable titre de noblesse aux familles. Assurément, les femmes du Tournoi de Lagny n’avaient pas prévu qu’une fantaisie féminine pourrait un jour servir d’illustration à leurs descendants.

Le texte

Me Sire Hues d’Oisi
Texte original Traduction

En l’an que chevaliers sont ébaubis

Ke d’armes noient ne font si hardi

Les Dames tornoier vont à Lagny[2]

Le tornoiement plévi

La Comtesse de Crespi[3]

Et ma Dame de Couci[4]

Dient que savoir voudront

Quel li coups sont

Que pour eles font

Lour ami.


Les dames par tout le mont

Pour chassier font

Quel ez mènront

Chascune od li

Quant es prez venuez sont

Armer se font

Assambler vont

Devant Torchi[5]


Yolenz de Cailli vo[6]

Vait premiers assambler

Marguerite d’Oisi[7]

Muet à li pour jouter.

Amisse au corz hardi[8]

Li vait son fraim haper


Quand Marguerite se voit rauser

Cambrai ! crie, son frein prend à tirer[9]

Re deffendre le veist et meller.

Quand Catherine au viz cler


Se commence à desrouter

El passe avant au crier

Ri donc la veist aler

Resnes tirer

Et coupz donner

Et départir

Et grosses lances quasser


Et ferz sonner

Et detentir

Des hiaumes le capeler

Faire effondrer

Par grant aïr


Devers la coue vint

Une rescousse grant

Ysabel qui férir

Lez vait de maintenant.

La senescaussesse aussi

Nez vait mie épargnant.

Une route vint de là tout errant

Adeluye, ri Nantuel vait criant[10]

Avec la senescaussesse Yolent[11]

Aeliz en vait devant.

De Trie aiguillon criant[12]

Moult vait bien les rens cerchant

La roine sour ferrant[13]

Vint par devant

Ferue là.

D’une mache en l’aubere blanc

Sans contremant

Emmi le camp

Potée là.


Jehanne la Gaaigne vint atignant

Re maint serjant

Y amena

Isabiauz tout errant

Leur aelez descent

De monciaux la vaillant

Ri la fiance en prent

Leur un ronci trotant

L’enmena erraument


La Comtesse de Campaigne[14]

Vint sur un cheval d’Espaigne

Ne fit pas longue bergaigne

A lor gent


Tous les encontre et atent

Mout si combat fierement

Seur li furent plus de cent.

Aeliz lez mainz li tent

Au fraim la prent

Od sa compaigne

Aeliz, montfort criant[15]

Qui la descent

Comment qu’il praigne

Et li ostage Yolent

Mout boinement

Re de noient

Ne si desdaigne

Ele n’est pas d’Alemaigne

Ysabiaut que savons


Vint poignant en la plaigne

Ez lour fiert a bandon

Sovent crie l’ensaigne

Alom lour chastillon[16]

Une route vint de la alarron

Amisse à la flourclose vait environ

Et sa lance pécoïa son blazon

Lille crie « or lom alom »[17]

Tost à fraim eles s’en vont.


La Comtesse de Clermont[18]

A ferrue d’un tronçon

Emmi le front

Qui en un roïon

Couchiée l’a


Clémence fiert d’un baston

Et sans raison

« Biairsart » cria

Toutes desconfites sont

Fuiant s’en vont

Nule d’el mont

Ni demora

Quand bouloigne rescria

Yde au cors houvré[19]

Premiere recouvra

Au trepas d’un fossé

Comtesse au fraim prise a

Dex Aïe ! a crié

Mout fut grant li feries qui fut là


Ysabiaus point de Marli qui cria[20]

Dex Aïe ! maisnt coupz prie et donna ;

Une troupe vint delà,

Gertrus qui « Merlou » cria[21]

Parmi les gues les chaca


Agnes de tricese va[22]

Qui maint coup parmi les bras

Le jour senti,

Maint lances pécoïa

Maint fraim tira

Maint coups donna

Maint en féri


Beatris cria « Poissy »[23]

Il n’e a meilleur de li

Et joie point d’arsi (23)

Et muet contre mariseu de julli

Et fait là à terre verser


Puis commence seur li

Saint Denise à crier

Tresout li panet i vint en couroi

Aelis de roileiz au corz fai (24)

Climence point devant li de Bruai (25)

Sezile vint tout à droit

De compaigne a desroi

Et fiert ysabel d’Ausnai (26)

Qu’emmi les lor l’abattoit (26)

Seur li venoit

A grant exploit

Bele Aelis

Qui « Garlandon » rescrioit (27)

Agnes venoit

Criant Paris (28)


Ade de parcain les voit (29)

« Biaumont » crioit

Tost lor aloit

Emmi les vis

Agnes i vi

Venir tost de Cresson Essart

Ysabiaus point aussi

Quist de vile-gaignart (31)

Li tornois départi

Pour ce que trop fut tard.


Poi ai dit, si m’en repent, et conté

Au demain tornoiement ont crié.

De la proesce Yolent vous direi :

Tost à l’elme fermé

Sor morel la briève

Prist l’escu eskequere

Puceles fait arouter

Parmi les tres lances, porter

Lor a fait cent

N’a pas trives demandé

Sans arester

Vait por jouster

Droit à la gent.

Entorli ont fichulé et viélé

Si r’esgardé

L’ontdurement

Vencu a et oultré

Tout de ca et de là

Dessous Torci el pré

Son pavillon dreca

Illuce fut d’a donné

La nuit quanques ele a

En l’an que les chevaliers sont déconcertés

Qu’il ne font rien de si hardi en armes

Les dames vont tournoyer à Lagny

Le tournoi promis

La Comtesse de Crespi

Et la dame de Coucy

Disent qu’elle voudraient savoir

Ce que sont les coups

Que se donne pour elles

Leur ami


Les dames vont par mont

Pour solliciter

Qui elles mèneront

Chacune avec elles

Quand elles seront prêtes à venir

Elles se font armer

Se rassemblent

devant Torcy


Yolande de Cailly

Va en première combattre

Marguerite d’Oisy

Se porte à elle pour jouter.

Amisse au corps hardi

Va lui saisir sa bride


Quand Marguerite se voit poursuivie

Elle crie Cambrai ! et tourne bride

Se défend de face et se jette dans la mêlée

Quand Catherine au visage frais


Commence à se dérouter

Et passe avant en criant

Va donc au combat

Tire les rênes

Donne des coups

Et distribue

Et casse de grosses lances


Et frappe en sonnant

Et retentissent

Les Heaumes au chef

Bosselé

Avec grande colère


Derrière la queue vint

Un grand fracas

C’est Isabelle qui frappe

Et arrive maintenant

La Sénéchale aussi

Ne va pas en épargnant.

Une troupe vint de là soudain

Elise de Nanteuil va en criant

Avec la Sénéchale Yolande

Elise va devant

Criant De Trie Aiguillon

Va souvent chercher les rênes

La reine sur Ferrant

Vint par devant

En frappant

D’une hache sur le haubert blanc

Sans retard

Au milieu du camp

Se trouva portée


Jeanne la Gaigne vint avec irritation

Et maint sergent

Y amena

Isabelle toute prompte

Tombe sur elles

De Mouciaux la voyant

En prend confiance

Sur un petit cheval trottant

L’emmena vivement


La Comtesse de Champagne

Vint sur un cheval d’Espagne

Et ne fit pas attendre

Ses gens


Elle les rencontre tous et attend

Tant de combat fièrement

Sur elle ils furent plus de cent

Elise lui tend les mains

Et lui prend la bride

Avec sa compagne

Elise qui crie Montfort

Elle la descend

Bien qu’elle se défende

Et de même la troupe de Yolande

Tout bonnement

Qu’un rien

Ne la mettent en colère

Elle n’est pas d’Allemagne

Isabelle que nous connaissons


Vient poignant sur la plaine

Et les frappe avec impétuosité

Souvent elle crie l’enseigne

Louange à Châtillon

Une troupe vint en retrait

Amisse à la sourdine vient aux environs

Et sa lance frappa dans l’écu

Lille criait-elle « ou leur louange »

À toutes brides, elles s’en vont


La Comtesse de Clermont

A frappé avec un tronçon

Au milieu du front

Qui dans un fossé

L’a couchée


Clémence frappe avec un bâton

Et sans raison

Crie Biairsart

Elles sont toutes défaites

Et s’en vont en fuyant

Aucune du mont

N’y resta

Quand Boulogne récria

Yde au corps paré

La première recouvra

Au passage d’un fossé

La Comtesse à la bride prise

A crié Dieu aide !

Tant fut grande la blessure qu’elle reçut


Isabelle pousse de Marly qui cria

Dieu Aide ! elle reçut et donna maint coups

Une troupe vint de là

Gertrude, qui cria « Merlou »

Les chassa parmi les gués


Agnès de tricese va

Après avoir maint coups dans les bras

Tout le jour senti

Briser maintes lances

Tirer maintes brides

Maints coups donner

Beaucoup frapper


Béatrice cria « Poissy »

Il n’y en a pas de meilleure qu’elle

Ne joignit pas d’Erquy

Se porte contre Maryse de Jully

Et la fait tomber à terre


Puis commence sur elle

À crier Saint Denis !

Tous les blessés y vinrent en courant

Elise de Roilet au corps paré

Clémence pique devant celle de Bruai

Cécile vint tout droit

Sur sa compagne en désarroi

Et frappe Isabelle d’Aunay

Qu’au milieu des leurs elle abattit

Sur elle vient

À grand exploit

La belle Élise

Qui crie « Garlandon » !

Agnès vient

En criant Paris


Ade de Parcain les voit

Crie « Biaumont »

Tous y allèrent

Au milieu des visières

Agnès vit

Venir tous ceux de Cresson Essart

Isabelle arrive aussi

Sorti de vile-Gagnart

Le tournoi fut dispersé

Avant que cela fut trop tard


J’ai dit peu, je m’en repens, et conté

Au lendemain du tournoi ont crié

De la prouesse de Yolande je vous dirai :

Toutes à casques fermés

Sur Morel la petite

Prit l’écu triangulaire

La pucelle fait conduire

Parmi les trois lances porter

Leur a fait cent

Sans demander de trêves

Sans arrêter

Va pour jouter

Droit sur les gens

Tout autour d’elle ont joué de la flûte et de la vielle

Elle est escortée

Elle l’ont durement

Vaincu et mis hors combat

Tout de ça et de là

Sous Torcy dans un pré

Elle dressa son pavillon

Là fut donné des plaisirs

Tant que la nuit dura


Références

  1. contenue dans le n°184 du Supplément Français des Manuscrits de la Bibliothèque du Roi et dans le manuscrit 7.222, au folio 51
  2. Lagny : ancienne petite ville sur la Marne, à sept lieues de Paris et à quatre de Meaux. Elle possédait une très ancienne abbaye, de Saint-Furcy, dont les Comtes de Champagne Thibaut IV de Blois et Thibaud Ier de Navarre furent les bienfaiteurs. Un château féodal décorait ce lieu : c’est sans doute près de son enceinte que se tint le tournoi des Dames, et pendant le règne de Henri II de Champagne, Oncle de Thibaud Ier de Navarre, Trouvère Champenois.
  3. La Comtesse de Crespy-le-Neuf ici citée pourrait bien être la Comtesse Éléonore, qui, entrant en possession du Château de Crespi, donna son Château de Bouville et le Parc y attenant pour fonder un monastère de filles sous la règle de Cîteaux. Le parc de Bouville, près Crespi en Valgi prit le nom de Parc aux dames, qu’il porte encore : la Comtesse de Crespi y annexa des bois, des prés et d’autres dépendances. Le Pape approuva le nouveau monastère par une bulle de 1210.
  4. Arthur Dinaux dit que la Dame de Couci dont il est ici parlé serait la femme d’Enguerrand III de Coucy, surnommé le Grand. Or Enguerrand de Coucy s’est marié en premières noces en 1201 avec Beatrix de Vignory, puis en 1205 avec Mahaut de Saxe et après 1210 avec Marie de Montmirail. Le Tournoi des Dames ayant lieu vers 1180, Enguerrand III était certes trop jeune. Il doit s’agir de son père Raoul de Coucy, qui avait épousé Alix de France
  5. Torcy, terre de la Brie, voisine de Lagny, sur un coteau près de la Marne et où il existait un joli et ancien château. Cette terre est tombée dans la fameuse maison de Jean-Baptiste Colbert.
  6. Cailly, on trouve plusieurs familles normandes de ce nom. Une terre de Cailly était à quatre lieues de Rouen, sur la rivière du même nom. Une autre, placée sur l’Eure, n’était qu’à trois lieues de Louviers.
  7. Marguerite d’Oisy, dont il est ici question, est la seconde femme de Hugues III d'Oisy, auteur de cette chanson. Elle sortait de la Maison de Blois, et se trouvait veuve d’Othon, Comte de Bourgogne, Palatin. Après la mort de son second mari Hugues III, survenue en 1190, suivant les Chroniques d’Anchin et de saint Aubert, Marguerite de Blois épousa en troisièmes noces, Gauthier, Seigneur d’Avesnes. Il ne faut pas s’étonner si une jeune femme forte comme Marguerite, qui tint tête à trois puissants maris, figure aussi bien dans un tournoi.
  8. Amisse, Catherine, Isabelle, Yde, Yolande, et d’autres dont il est parlé dans la chanson sont les prénoms de grandes Dames sans doute fort à la mode vers 1180, et il suffisait de nommer par leur nom de baptême pour que tout le monde aristocratique d’alors sut de qui il était question ; il nous serait fort difficile aujourd’hui de démêler à quelles nobles familles elles appartenaient.
  9. Marguerite d’Oisy a sans doute pris « Cambrai » pour Cri, parce que son époux était Châtelain de Cambrai.
  10. La terre antique de Nanteuil, à quatre lieues de Senlis, sur la route de Paris à Soissons, était jadis dans la Maison des Comtes de Ponthieu. À l’époque dont il est ici question, les Seigneurs de Nanteuil devinrent Seigneurs du Donjon de Crepy.
  11. On ne sait s’il est question ici de la femme du Sénéchal de France ou de celle du Sénéchal de Champagne, qui pouvaient aussi se trouver à cette réunion. À cette époque, la charge de Sénéchal de France appartenait à Thibaut V de Blois dit le Bon, Comte de Blois, mort en 1191 au cours du siège de Saint-Jean-d’Acre en Israël, et fut éteinte dans sa personne.
  12. Aiguillon, Maison ancienne.
  13. En mettant l’époque du Tournoi des Dames de Lagny en 1180, à l'avènement de Philippe Auguste à la Couronne, la Reine( s’il n’est pas seulement question de la reine de la fête) serait Isabelle de Hainaut, fille de Baudoin, Comte du Hainaut.
  14. Femme de Henri II de Champagne : elle se nommait Ermentrude de Namur.
  15. Un Amaury de Montfort était Connétable de France dans ces temps reculés.
  16. Au Tournoi, les hérauts et poursuivant d’armes criaient le cri de leur maître, pour les faire reconnaître, et à ces cris, ils ajoutaient souvent des éloges.
  17. Le cri de Lille, avec les mots de louange qui l’accompagnent appartenait au Châtelain de Lille, or celui qui était revêtu de cette dignité de l’an 1177 à 1200, fut Jean, qui épousa Mahaut de Béthune, Dame de Pontruard, Meulebecke et blaringhem.
  18. Il y a, tant en France qu'aux Pays-Bas, environ 50 familles qui portent le nom de Clermont. La Dame que l’on cite ici, vu son titre de Comtesse, peu commun vers 1180, ne peut être que l’épouse du Comte Raoul de Clermont, mort Connétable de France en 1191.
  19. Les familles qui criaient Boulogne sont celles de Trie, Pequeny, Dolhaim, Saulieu et Miraumont. La belle Yde au corps houvré était certainement de la dernière.
  20. On trouve un fils puiné de Mathieu Ier de Montmorency, Connétable de France, vers 1180, qui portait le titre de sire de Marly. Ce dernier se nommait lui aussi Mathieu de Montmorency († 27 août 1204, Constantinople) et était père de Bouchard de Marly.
  21. Ce Merlon ne serait-il pas Merlieux, près de Laon.
  22. Il est ici question d’une dame de la Maison de Tricot, vieux bourg du Département de l’Oise et de l’Arrondissement de Clermont dont il est éloigné de cinq lieues.
  23. Poissy, petite et ancienne ville à l’extrémité de la forêt de Saint-Germain, où les premiers Rois de France avaient un château et sans doute un Châtelain qui avait Poissy pour cri. Saint Louis naquit ou fut au moins baptisé à Poissy.